De Claude B. le 19/04/2013

Trajet hivernal,1978 dans la neige normande.

Voici le récit d’un moment vécu en GS qui donne un aperçu de ses capacités étonnantes, et tout cela, en partie grâce au petit levier magique situé sur la console centrale entre les deux sièges avant.

La GS X2 va se transformer en Saint Bernard pour gendarmes plantés, je vous raconte comment : A la suite d’un coup de chauffe des activités hivernales dans la station service de papa à Bois Guillaume (76), il me demande si j’accepte pour l’aider, d’aller prendre livraison d’un contingent de pneus neige fraîchement cloutés chez un grossiste et néanmoins ami, à Fleury sur Andelle (27). Pour les plus jeunes d’entre nous il faut savoir qu’à cette époque, on faisait clouter et parfois reclouter les pneus neige, (les pneus à lamelles ou thermo-gomme faisaient simplement leurs timides débuts chez quelques initiés proches des réseaux de fabricants). J’accepte volontiers la mission et je pars chercher, vers 16 heures, le chargement avec ma GS X2, chaussée de XZX. Il voletait quelques flocons de neige mais pas de quoi fouetter un chat, il fallait parcourir trente cinq kilomètres aller et évidemment autant pour le retour. Précisons, pour les plus jeunes lecteurs, qu’ il n’y avait pas de téléphone portable et que la radio fonctionnait en grandes ondes, ces détails peuvent sembler anodins, mais les informations générales avaient une teneur nationale, et la météo ne tenait pas du tout la place qu’elle occupe aujourd’hui, enfin bref, la FM n’existait guère, hormis pour la musique classique et pour des autoradios hauts de gamme et hors de prix. Voilà le décor est planté !

Je fais donc mon voyage aller sans soucis, la route blanchi peu à peu, mais je ne suis pas inquiet, (je suis jeune et optimiste!), j’attends la fin du cloutage des derniers pneus, et vers 17 h 30, je prends possession de mon chargement, le coffre est plein, des plaids permettent de charger toute la banquette arrière en la protégeant bien, bref une vingtaine de pneus neige prennent place dans la GS, mais voilà qu'entre temps les chutes de neiges redoublent de vigueur, un vent glacial accompagne les flocons devenus énormes, des congères se forment très vite... Il y a deux vallées à traverser pour effectuer le retour, le samedi après midi sur la route nationale 14, les camions roulent encore librement à cette époque, et voilà tout est dit, les automobiles et les camions patinent et se cabrent, toute lacirculation se bloque. C’est un capharnaüm de véhicules dans lequel il faut se frayer un passage, et papa qui attend son chargement à la station avec les voitures de clients immobilisées, cela promet un beau bazar et des heures supplémentaires... Le vent s’est renforcé considérablement, la neige tombe avec force, les essuies glace se transforment en chasse neige. La châleur du moteur a bien du mal à désembuer le pare brise, les vitres latérales sont embuées et le dégivrage arrière ne sert plus à rien, dépassé par les intempéries, il laisse la lunette se couvrir d’une épaisse couche de neige.Le rétroviseur extérieur, il n’y en qu’un seul, s’est transformé en glaçon totalement opaque, la cargaison de pneus me suit bien sagement, la radio a renoncé à se faire entendre, même l’émission inter service route, de la grande stationnationale France Inter est devenue un grand "chuuiiiii" sinistre, orchestré par la neige frappant l’antenne du poste de radio.

Je passe une heure à slalomer entre les véhicules échoués, pour une fois il y a plus de voitures dans le fossé que sur la route ! La GS patine, se dérobe, glisse, mais avance irrémédiablement, arrivé à dix kilomètres de Rouen tout est bloqué à cause des poids lourds notamment. Je ne peux pas faire autrement que d’enfiler une petite route qui passe parallèlement dans la campagne et c’est parti pour une nouvelle bonne séance de glissades, mais il y a des congères, je m’arrête pour déblayer une congère avec ma petite pelle pliante, une autre congère se forme derrière la GS en deux minutes, enfin bref, je suis pris au piège et ma pelle est bien insignifiante et inefficace, mes doigt transformés en glaçons me piquent horriblement à cause d’un onglet carabiné. Je réfléchis péniblement: Devant ma situation chaotique et je tente un exercice peu académique, que les antibrouillards montés sous le pare-choc avant n’apprécieront guère... Je passe en position haute, je fonce le plus possible, ça patine dur ! Et quand la voiture cesse d’avancer, je replace le levier en position route, la neige se tasse, tout craque sous la voiture, elle redescend par à coups, une petite marche arrière et rebelote je fais ainsi environ un kilomètre qui semble interminable, et soudain, je vois un tas plus gros que les autres...

La visibilité est quasi nulle, une haute haie dirige la neige sur la route en grande quantité, donc sur moi, persévérant mais pas téméraire, je l’évite ce tas de neige bizarrement haut. Bien m’en a pris, car sous le tas de neige, il y a une Renault 4 de la gendarmerie voisine, avec deux pandores frigorifiés à l’intérieur ! Pas étonnant qu’il fume ce tas de neige, ils ont laissés le moteur de la 4L tourner ! Ils me voient surgir comme un bienfaiteur, après une très courte discussion, les pauvres, ils tiennent leurs képis sur leurs têtes avec les deux mains, nous sortons la 4L de sa fâcheuse position, ils emboîtent le pas, (ou les roues de la GS) qui avance toujours à grand coup de position haute et basse. Pour la marche arrière afin de ne pas nous percuter, le klaxon deux tons militaire retentissait pour m’avertir de repasser en marche avant , et plus de deux heures après, nous étions tous sortis de cette portion de route infernale, après un remerciement rapide vu les circonstances, je continue ma route, il est environ 23 heures et encore quinze kilomètres à parcourir, avec des conditions dantesques et la jauge à essence qui descend régulièrement... (Bonne idée d’avoir fait le plein avant de partir !).

Après un interminable trajet retour , j’arrive vers 1h30 du matin dans la station de papa, avec ma voiture envahie de buée, les ailes obstruées par la neige, au bord de la panne sèche, j’avale un sandwich, je me mets au boulot avec mon père pour équiper les véhicules réceptionnés, avec le souvenir des deux pandores ravis de ne pas avoir couché dehors, ou de ne pas être morts asphyxiés sous la neige. Eh oui ! chez les militaires on n’abandonne pas le matériel, c’est sacré !!! Pour l’anecdote, je raconterai à ma future épouse ce périple, quelques heures plus tard, et deux ans après, nous ferons bâtir notre maison sur un terrain trouvé par hasard suite à un dédit. Cela fait maintenant plus de trente années que nous habitons à 500 m de la rue qui fut le théâtre de cette aventure, voilà pourquoi elle est toujours et souvent bien présente à mon esprit !